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Anne Le Hénanff
Question N° 8417 au Ministère du ministère de l’économie


Question soumise le 30 mai 2023

Mme Anne Le Hénanff appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le sujet de la solidarité fiscale. Le principe de solidarité fiscale entre les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) est défini à l'article 1691 bis du code général des impôts (CGI). Cet article prévoit que les époux et partenaires sont tenus solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu, dans le cas d'une imposition commune, ainsi que de la taxe d'habitation, mais également des dettes telles que les dettes de loyer. Or cela mène à des situations particulièrement injustes. En effet, lors d'un divorce ou d'une séparation, ces derniers demeurent solidaires des sommes dues lors de leur union. Certaines circonstances peuvent faire peser illégitimement une dette fiscale sur l'un des membres du couple, des années après, par exemple, lorsque l'un des anciens conjoints voit ses revenus réintégrés par l'administration fiscale après dissimulation et que la solidarité fiscale est revendiquée. C'est pourquoi l'article 1691 bis du CGI, créé par la loi n° 2009-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, comprend un mécanisme de décharge fiscale. L'obtention de cette décharge est appréciée strictement selon trois conditions cumulatives : la rupture de la vie commune, la « disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur » ; le « respect des obligations déclaratives du demandeur prévues par les articles 170 et 982 à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune ». Toutefois, ce mécanisme méconnaît les situations individuelles et est source d'injustices, notamment pour les femmes divorcées qui, parfois, se voient contraintes de sacrifier leur patrimoine pour rembourser les dettes de leur ex-conjoint, sans que le comportement indélicat de ce dernier ne soit pris en compte. Par exemple, une femme tenue responsable des pénalités liées au détournement des sommes dues aux impôts par son ex-époux par le principe de solidarité fiscale peut être menacée par l'administration fiscale de la saisie d'un bien lui appartenant pour moitié, alors même qu'elle est exempte de toute responsabilité pénale concernant les malversations de son ex-époux. De même, la mobilité résidentielle des femmes après une séparation ou un divorce peut être très fortement compromise par cette solidarité fiscale, notamment si des dettes de loyer d'un logement social ont été contractées. En effet, peu importe l'origine de ces impayés, une femme souhaitant faire une demande de logement social en son nom seul devra s'acquitter des dettes pour y être éligible. Aussi, Mme la députée souhaiterait tout d'abord avoir des données chiffrées sur les décharges fiscales accordées. Elle souhaite également savoir ce que le Gouvernement entend faire afin que les situations particulières des demandeurs de décharge fiscale soient vraiment reconnues et traitées en conséquence.

Réponse émise le 7 mai 2024

Les couples mariés ou pacsés, tenus à des obligations réciproques en droit civil, font l'objet d'une imposition commune, Cette règle constitue l'un des fondements du droit fiscal français, notamment depuis la décision du Conseil constitutionnel (CC) 2012-662 DC qui juge que, pour l'imposition des revenus des personnes physiques, ne pas tenir compte de l'existence du foyer fiscal c'est méconnaître l'exigence de prise en compte des facultés contributives et le principe d'égalité devant les charges publiques. Le système du quotient, conjugal comme familial, permet de diviser le revenu global du foyer en fonction de sa composition pour l'imposer au barème progressif dans des tranches plus basses que celles qui lui auraient été appliquées en l'absence d'un tel mécanisme. Le quotient conduit aussi à ce que des foyers fiscaux ayant le même niveau de revenus et une composition familiale identique soient redevables du même impôt, indépendamment de la répartition des revenus entre les membres du foyer, conformément à ce qu'impose le CC. Les couples mariés ou pacsés étant soumis à l'impôt sur le revenu de manière conjointe, la solidarité de paiement en est le corollaire et constitue l'une des garanties de l'effectivité du recouvrement de la contribution commune aux charges publiques. Ainsi, les revenus tirés d'une activité, fût-elle illicite, ont constitué des revenus communs dont les deux époux ou partenaires profitent ne serait-ce qu'au travers du train de vie du couple et aucun motif d'intérêt général ne justifie de ne pas poursuivre le recouvrement des impositions correspondantes envers chacun des codébiteurs. Le divorce ou la séparation ne peut mettre fin de manière quasi-automatique à la solidarité fiscale au titre de la période d'imposition commune, sauf à créer une rupture d'égalité devant les charges publiques entre les contribuables ayant une dette fiscale et poursuivant leur vie commune d'une part, et ceux supportant la même dette fiscale mais séparés ou divorcés d'autre part. Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, en instituant la décharge de solidarité pour le paiement de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation et de l'impôt de solidarité sur la fortune (devenu l'impôt sur la fortune immobilière), le législateur a entendu concilier la garantie du recouvrement des créances fiscales, à laquelle contribue la solidarité de paiement entre époux ou partenaires de PACS, avec la prise en compte des difficultés financières et des conséquences patrimoniales pouvant naître, pour l'un ou l'autre des conjoints divorcés ou séparés, de cette solidarité de paiement pour la période antérieure au divorce ou à la séparation (Cons. Const. 28-6-2013, n° 2013-330 QPC, Mme B.). Aussi, la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, portant loi de finances pour 2008, a institué, sous certaines conditions, un véritable droit à décharge de responsabilité solidaire (DRS) au profit de l'ex-conjoint ou de l'ex-partenaire lié par un PACS tenu au paiement de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation et de l'impôt de solidarité sur la fortune (devenu l'impôt sur la fortune immobilière). Ce texte, codifié sous l'article 1691 bis du code général des impôts (CGI), ne s'applique aucunement aux dettes de loyer qui ne constituent pas des créances fiscales. Il prévoit des conditions spécifiques de recevabilité : la nécessité d'une rupture de la vie commune, la constatation d'un comportement fiscal exempt de toute critique et l'existence d'une « disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur ». L'instruction commentant les modalités d'appréciation des critères prévus par ce dispositif a été publiée le 20 avril 2009 (BOI n° 5 B-13-09) et complétée par diverses notes de service. La condition de disproportion marquée vise à prendre en compte les difficultés financières et patrimoniales du demandeur. L'examen de l'existence d'une telle disproportion s'effectue d'abord au regard de la situation patrimoniale, en excluant la résidence principale, quelle qu'en soit sa valeur, et ce afin de sauvegarder le toit des personnes divorcées et délaissées. La disproportion est considérée comme marquée si la situation financière du demandeur à la date de la demande ne permet pas d'envisager un plan de règlement de la dette fiscale, nette de la valeur du patrimoine, dans un délai fixé à 3 ans par l'article 139 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022. L'appréciation qui est faite, au cas par cas, par l'administration sur la disproportion marquée peut être soumise au contrôle du juge administratif garant d'une équité de traitement des demandeurs. Dans l'hypothèse où les conditions fixées par l'article 1691 bis-II du CGI sont remplies, le demandeur bénéficie d'une décharge de son obligation de paiement au titre de la fraction de cotisation d'impôt correspondant aux revenus de son conjoint et à la moitié des revenus communs. En outre, la décharge des intérêts de retard et des pénalités d'assiette est prononcée en totalité s'ils sont consécutifs à la rectification de bénéfices ou de revenus propres au conjoint. Enfin, l'article 1691 bis-III du CGI prévoit la possibilité pour le redevable qui a été déchargé partiellement de son obligation de paiement en vertu des dispositions de l'article 1691 bis-II du CGI, de déposer, simultanément ou postérieurement à la demande de décharge, une demande tendant à obtenir la remise gracieuse de la quote-part maintenue à sa charge lorsqu'il se trouve en situation de gène ou d'indigence (cf. article L. 247 du LPF). L'esprit de la loi en matière de DRS et la volonté du législateur étaient d'instaurer une procédure encadrée pour les personnes divorcées et délaissées justifiant être dans l'incapacité de faire face au règlement de l'impôt commun. En l'état, le dispositif répond à ces objectifs et paraît équilibré. Ainsi, l'ex conjoint ou conjointe qui se retrouve seul(e) dépourvu(e) de patrimoine et dans une situation financière délicate rendant difficile la recherche d'un logement social pour élever ses enfants constitue le profil type des personnes admises à bénéficier de la DRS. Une ouverture plus large du droit à DRS, qui ne prendrait pas en compte les facultés contributives du demandeur, serait contraire à l'objectif de gouvernement de lutte contre la fraude en permettant facilement à des contribuables de connivence de simuler une situation de séparation, afin d'échapper par ce biais au recouvrement de leurs dettes. En l'état le dispositif de DRS, récemment assoupli de façon substantielle paraît équilibré et il n'est pas envisagé de le modifier de nouveau d'autant que sa mise en œuvre conduit l'administration fiscale à faire un examen au cas par cas particulièrement attentif des situations particulières de chaque demandeur de décharge et que les décisions prises par les services locaux peuvent faire l'objet d'un recours hiérarchique auprès des services centraux de la DGFIP, ou être soumises au contrôle du juge de l'impôt. Statistiques relatives à l'octroi de décharge de solidarité fiscale : – 2014 : Nombre de demandes reçues : 415. Nombre de demandes traitées : 412, - dont nombre de décharges octroyées : 76, - dont nombre de décharges rejetées* : 204, - dont « autres »* * : 132. Décharges octroyées / demandes traitées : 18 %. – 2015 : Nombre de demandes reçues : 362. Nombre de demandes traitées : 381, - dont nombre de décharges octroyées : 94, - dont nombre de décharges rejetées* : 162, - dont « autres »* * : 125. Décharges octroyées / demandes traitées : 25 %. – 2016 : Nombre de demandes reçues : 362. Nombre de demandes traitées : 326, - dont nombre de décharges octroyées : 80, - dont nombre de décharges rejetées* : 148, - dont « autres »* * : 98. Décharges octroyées / demandes traitées : 25 %. 2017 : Nombre de demandes reçues : 328. Nombre de demandes traitées : 363, - dont nombre de décharges octroyées : 94, - dont nombre de décharges rejetées* : 197, - dont « autres »* * : 72. Décharges octroyées / demandes traitées : 26 %. – 2018 : Nombre de demandes reçues : 322. Nombre de demandes traitées : 327, - dont nombre de décharges octroyées : 77, - dont nombre de décharges rejetées* : 177, - dont « autres »* * : 73. Décharges octroyées / demandes traitées : 24 %. 2019 : Nombre de demandes reçues : 398. Nombre de demandes traitées : 403, - dont nombre de décharges octroyées : 126, - dont nombre de décharges rejetées* : 179, - dont « autres »* * : 98. Décharges octroyées / demandes traitées : 31%. – 2020 : Nombre de demandes reçues : 230. Nombre de demandes traitées : 234, - dont nombre de décharges octroyées : 71, - dont nombre de décharges rejetées* : 126, - dont « autres »* * : 37. Décharges octroyées / demandes traitées : 30%. – 2021 : Nombre de demandes reçues : 279. Nombre de demandes traitées : 285, - dont nombre de décharges octroyées : 94, - dont nombre de décharges rejetées* : 140, - dont « autres »* * : 51. Décharges octroyées / demandes traitées : 33%. – 2022 : Nombre de demandes reçues : 288. Nombre de demandes traitées : 245, - dont nombre de décharges octroyées : 100, - dont nombre de décharges rejetées* : 103, - dont « autres »* * : 42. Décharges octroyées / demandes traitées : 41%. * A noter que le système d'information ne permet pas de savoir si les décisions de rejet appliquées aux demandes en décharge de solidarité ont été prononcées en raison de l'irrecevabilité de la demande ou en raison de l'absence de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale du demandeur. * * Demandes sans suite (renonciations, devenues sans objet, etc.).

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